Projet ordinosaure: pour une sobriété et un usage émancipatoire du numérique

De quoi il s'agit:

L'impact des activités humaines est tel que nous mettons à mal les conditions de vie planétaires à court-terme (Masson-Delmotte et al., 2021). Ce problème dû à ce que Lordon nomme écocide capitaliste (2020) est catalysé par le numérique et son économie florissante. La 'digitalisation' de la société ou plutôt le développement de nouveaux marchés dans le cyberespace (Ghernaouti-Hélie & Dufour, 2012) fait du numérique le secteur exponentiellement responsable du dépassement des limites planétaires (Flipo, 2020; Raworth & Bury, 2018).
Passant du collectif à l’individu, on voit les propriétés propres du numérique (ynternet.org & Bondolfi, 2016) être instrumentalisées dans des modèles d'affaire certes innovants mais surtout foncièrement prédateurs. L'individu, son comportement, ses interactions et rêves sont capturés sous forme de données pour nourrir une économie oligopole de l'attention qui sert elle-même un capitalisme de surveillance (Zuboff, 2019) linguistique, comportemental et affectif (Favier, 2019; Molinier & Laugier, 2013).
Partant de ce double constat, je propose une alternative technologiquement solide, ancrée dans la pratique localisée d'enseignement et politiquement engagée (= responsable et durable). Malgré la tendance de l'externalisation/virtualisation de l'effort numérique par le cloud (XaaS), c'est surtout les terminaux et leur cycle de vie complexe qui ont des conséquences environnementales crasses (Flipo et al., 2009). Faire durer la phase d’usage des ordinateurs, portables et ordinophones figure comme une piste sérieuse pour un usage durable du numérique (Institut du Numérique Responsable, 2020). Pour contrer l’obsolescence programmée (vendor lock-in, écosystèmes clos), la philosophie du libre (Cardon, 2019; Free Software Foundation, 2021), sa communauté FOSS et les systèmes d’opération (OS) GNU/Linux forment un socle éthique, communautaire et technique solide. Une réhabilitation de vieilles machines constitue également une opportunité pour l’individu de s’approprier (Capucine, Blandine, & Jérôme, 2020) un outil qui serve sa réalisation personnelle plutôt qu’une économie dont le moteur est l’exploitation aliénante de l’humain par l’humain.
Le choix des ordinosaures pour l'éducation numérique à l'école publique est certes à contre courant. Il y a donc la nécessité d'éprouver sa faisabilité. Pour ce faire, un travail de recherche en quatre temps sera mené, dont les contours seront présentés durant le OpenEducationDay2022 : (1) confronter les besoins en ressources matérielles (CPU, RAM...) des usages scolaires aux machines effectivement utilisées ; (2) analyser les discours des autorités scolaires ou de politiques éducatives pour identifier les enjeux de tension entre numérisation de l'école et durabilité ; (3) décrire un processus détaillé, tenant compte des contraintes de chaque acteur, pour le reconditionnement de machine de seconde main pour les usages scolaires, pour finalement (4) implémenter en contexte réel ces ordinosaures pour éprouver la compatibilité avec les usages et les perceptions des différents acteurs concernés (enseignants, élèves, directions...).


Référent:

Mathieu Payn: Après l'obtention d'un master en philosophie sociale à l'université de Lucerne, j'ai enseigné et travaillé dans le milieu culturel suisse pendant 4 ans. Un second master en systèmes d'information (SI) dans l'école de commerce de Lausanne m'a conféré des connaissances et un savoir-faire à la pointe de l'industrie numérique (stratégie, big data, Interaction design, architecture systèmes). Le centre de recherche sur l’enseignement/apprentissage par les technologies numériques (CRE/ATE) à la HEP Fribourg m’offre un cadre pour mes recherches en humanités numériques.


Groupe cible:

Praticien·nes et décideureuses primaire au secondaire 1